Présentation du projet AFS-4-Food
Interview de Didier Snoeck, chercheur du Cirad et coordonnateur du projet AFS-4-Food.
[Janvier 2014, archive de notre ancien magazine Durabilis]
JV. Pouvez-vous nous préciser les objectifs et le contexte de ce projet de recherche sur les systèmes agro-forestiers et les cultures vivrières en Afrique ?
Le projet AFS4Food fait le pari d’améliorer la sécurité alimentaire et le bien-être des ménages ruraux africains grâce à une meilleure gestion de l’agroforesterie.
Trois zones d’études très différentes, mais un même pari : les systèmes agroforestiers (SAF) peuvent améliorer la sécurité alimentaire et le bien-être des paysans africains en zone rurale. C’est l’hypothèse que tentent de démontrer les chercheurs impliqués dans le projet AFS4Food, contracté par l’Union Africaine sur un financement de l’Union Européenne (EuropeAid).
Les SAF produisent généralement moins que les cultures pures, mais les contreparties valent le coup. Ils nécessitent moins de travail et d’intrants. Les ressources sont diversifiées (vivrières, cultures de rente, fruits, bois, médicaments…). Le système est ainsi moins vulnérable aux aléas climatiques ou économiques. Et à long terme, les arbres de la parcelle offrent des services environnementaux comme la préservation de la fertilité des sols et des ressources en eau, la prévention de l’érosion, le stockage du carbone et la conservation de la biodiversité.
L’objectif global est d’établir une meilleure synergie entre les systèmes agroforestiers (SAF) à base de cultures pérennes et les cultures vivrières par :
1) une approche de recherche participative avec les agriculteurs,
2) un réseau de collaboration scientifique inter-régional.
Les objectifs spécifiques sont :
- Analyser les principaux facteurs qui ont transformé les systèmes agricoles (cultures vivrières et SAF) pour identifier les plus intéressants, susceptibles de résister aux aléas futurs.
- Concilier l’amélioration de la production et la fourniture de services environnementaux pour mieux lutter contre la pauvreté en milieu rural.
- Consolider les capacités africaines de recherche et de travail en réseaux scientifiques sur les sujets de l’agroforesterie tropicale.
Pour atteindre cet objectif, le projet va :
– Mesurer l’évolution de la place relative des cultures pérennes tropicales par rapport aux cultures alimentaires (vivriers et fruitiers) dans les exploitations familiales agricoles de ces trois pays d’Afrique.
– Évaluer l’impact présent et futur de l’évolution des systèmes agroforestiers à base de cultures pérennes sur le marché intérieur des produits alimentaires pour pouvoir proposer des solutions techniques et politiques pour assurer la survie d’une agriculture familiale permettant le maintien de la sécurité alimentaire.
– Évaluer différentes voies d’amélioration des systèmes agro-forestiers à base de cacaoyers au Cameroun, de caféier au Kenya et de giroflier à Madagascar.
À la fin du projet, la recherche locale et internationale devrait avoir des outils pour proposer des solutions techniques pour sécuriser et améliorer les revenus des petits planteurs tout en maintenant les avantages liés à la culture traditionnelle (diversification des revenus, durabilité et services environnementaux) par exemple, en proposant :
- des systèmes innovants associant la culture de rente, vivriers, plantain à d’autres espèces pérennes (fruitiers, palmier à huile et cocotier) ;
- des moyens d’améliorer la qualité des produits issus des cultures pérennes
Un autre résultat attendu est de pouvoir consolider les capacités africaines de recherche et de travail en réseaux scientifiques sur les sujets de l’agroforesterie tropicale.
JV. Quels sont les types de systèmes agroforestiers et pays concernés par le projet AFS-4-Food ?
Dans les systèmes étudiés dans ce projet, le système agroforestier (SAF) est organisé autour d’une culture principale qui est un arbre ou arbuste.
Trois systèmes agroforestiers (SAF) assez contrastés ont été choisis dans trois pays : les SAF à base de cacaoyer au Cameroun, les SAF à base de caféier au Kenya, et les SAF à base de giroflier à Madagascar.
– Au Cameroun, les parcelles des agriculteurs qui participent au projet sont des agroforêts de cacaoyers à trop faible rendement.
– Au Kenya, les exploitations intensives de caféiers ayant fini par épuiser le sol, les agriculteurs ont dû diversifier leur production.
– À Madagascar, ce sont les girofliers qui assurent l’ombrage aux dessus des cultures vivrières.
Dans vos travaux de recherche et expérimentations, quelle place accordez-vous aux savoirs locaux agricoles et botaniques ?
Les choix des systèmes innovants mis en place sont basés sur les connaissances des agriculteurs et le choix des cultures utilisées correspond à leurs habitudes.
◙ Recrutements : emploi et stages en agroforesterie
JV. Comment comptez-vous valoriser les résultats de vos travaux et diffuser les recommandations de « bonnes pratiques » issues ce projet ?
Le projet est basé sur une approche de recherche participative avec les agriculteurs ruraux africains. Ils sont donc au cœur du dispositif, car les innovations proposées sont basées sur l’identification des contraintes et des compromis vécus par eux. Les propositions faites par la recherche pour améliorer leurs moyens de subsistance (sécurité alimentaire et revenu) seront directement testées chez eux et avec eux, en s’appuyant sur les groupements de planteurs dans les régions cibles. Cette méthodologie dite participative permet de tester des associations de cultures au plus proche des besoins des paysans et des contraintes du milieu. Elle facilite également l’essaimage des résultats car d’autres agriculteurs pourront visiter une parcelle qui, si le pari est réussi, pourrait à la fois nourrir et faire vivre correctement une famille. Ce qui permettra de donner aux agriculteurs des conseils plus adaptés à leurs situations et à leurs objectifs, en adéquation avec les évolutions pressenties des marchés.
Les bénéficiaires du projet seront :
– Les agriculteurs familiaux africains et les organisations paysannes dans les régions dominées par le cacao, le café, ou le girofle. Mais au final, ce seront tous les petits exploitants dans les régions cibles qui vivent dans des conditions similaires du point de vue agro-écologique, démographique et de marché qui bénéficieront des innovations proposées.
– Les institutions de recherche et de vulgarisation locales qui œuvrent sur les cultures vivrières et les SAF dans les zones cibles.
– Les acteurs et les décideurs des filières aux niveaux local, national et régional.
JV. Quelles sont les équipes de recherche impliquées et comment avez-vous organisé cette coopération internationale ?
L’organisme coordonnateur du projet est le Cirad, son responsable est Didier Snoeck.
Les partenaires sont l’Institut de Recherche Agricole pour le Développement (IRAD, Cameroun), l’International Centre for Research in Agroforestry (ICRAF, Kenya) et le Centre Technique Horticole de Tamatave (CTHT, Madagascar).
Les structures associées sont SupAgro (France), l’Université de Yaoundé I (Cameroun), l’Université de Dschang (Cameroun), la Coffee Research Foundation (Kenya) et l’Université de Antananarivo (Madagascar).
La coopération internationales est basée la collaboration scientifique inter-régional de chercheurs qui travaillent sur un thème commun – les SAF tropicaux à base de cultures pérennes – mais avec des visions et des approches scientifiques très différentes. La collaboration entre ces partenaires devrait aboutir à une réelle valeur ajoutée dans l’échange d’expérience et la production de connaissances.
La présence historique des chercheurs du CIRAD dans chacun des trois pays concernés et collaborant avec les partenaires scientifiques de ces pays a facilité cette mise en réseau et permet de garantir la bonne collaboration entre les centres de recherche et universités entre les trois pays, et la France.
Contact :
Didier SNOECK – CIRAD
UPR Systèmes de pérennes. Avenue Agropolis – TA-B 34 / 02
34398, Montpellier Cedex 5 – France
Site du projet : afs4food.cirad.fr